Après un temps de silence, Papa khadidja, l’auteur des « Message aux cousins » revient au devant de la scène avec un message pointant du doigt un recule dangereux de la liberté d’expression et d’autres libertés fondamentales au Togo. Il dénonce l’abus d’autorité et le zèle de certaines autorités. Dans ce message publié ce vendredi 19 février 2021, Papa khadidja propose la creation des sites internets certifiés et pilotés de façon à rassembler des informations fiables sur les violations des libertés et des droits de l’homme en vue d’alerter et d’anticiper sur ces actes qui déteignent sur le vivre ensemble.
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MESSAGE AUX COUSINS FEVRIER 2021
Chers Cousines et Cousins,
Je suis désolé mais ce n’est pas ma faute si je n’arrive pas à la fermer devant certaines situations et aussi quand certaines informations aux relents d’injustice me parviennent. C’est, je crois, ce qui justifie le rêve que mon feu père a toujours nourri pour moi sur le plan professionnel. Le rêve de me voir devenir avocat ou magistrat. Mais le dessein du créateur étant tout autre, grande fut sa tristesse le jour où je lui ai fait part de ma décision de me spécialiser en sciences politiques. Cependant, et heureusement, en bon père de famille il m’a soutenu dans mon projet même si par ma décision, j’ai éteint en lui un rêve auquel il avait pourtant cru très fort le premier jour où je me suis inscrit dans une faculté de droit. Après ma formation académique, au sujet de ma spécialisation et de son adéquation aux besoins du marché de l’emploi au Togo, il y a l’anecdote suivante qui me revient toujours et qui me fait sourire à chaque fois qu’elle me vient: un jour j’ai rencontré une ancienne ministre de la République. Celle-ci ayant appris que j’ai étudié les sciences politiques, a recommandé à mon père de trouver des sous et me renvoyer faire un Brevet de Technicien Supérieur (BTS). Car disait-elle, avec mon diplôme en Sciences Politiques je ne peux pas trouver d’emploi au Togo.
Rassurez-vous, je ne vous écris pas ce message pour vous raconter ma vie. Mais je voudrais juste relever que par une certaine déformation naturelle caractérisée par une empathie débordante, il m’est difficile, sinon impossible de m’empêcher de me mêler de ce qui ne me concerne pas directement. D’ailleurs, je m’étais prescrit un silence volontaire et observateur. Je ne devrais par conséquent pas m’adresser à vous avant le 27 février 2021 Inch’Allah selon ce mon planning. Mais ne dit-on souvent pas ‘‘chassez le naturel il revient au galop’’ ? Souffrez donc que je sorte de mon silence momentanément programmé et que je m’adresse à vous.
Chers Cousines et Cousins,
Face à la restriction tout azimut des libertés et à la montée de l’abus d’autorité, face aux dérives de tout genre, aussi bien des gouvernants que des gouvernés, il est important que des actions réfléchies soient menées afin de préserver un tant soit peu, l’espace d’expression démocratique du pays. Alors pour mettre fin aux abus et violations des droits de l’homme, mais surtout pour sauvegarder l’espace d’expression démocratique, le digital s’offre comme une solution parmi tant d’autres. Ce qui veut dire évidemment qu’il n’est pas la solution à lui tout seul. Mais son apport dans la recherche et la sauvegarde de l’espace d’expression démocratique est considérable bien qu’il soit aussi générateur de risques. Le Digital est donc un canal pour sauver l’espace démocratique dans nos pays. Il permet en effet de désormais rapporter en temps réel les informations, de dire ce qui va et ce qui ne va pas, ce qui marche et ce qui ne marche pas dans un pays.
Au regard de cette fonction du digital, les dictatures trouvent en le numérique, des menaces plus que des opportunités de développement et d’épanouissement des populations. C’est ainsi que dès qu’il y a un remous social, une revendication quoique légitime, ou encore un évènement important devant exprimer la souveraineté du peuple telle les élections, le premier réflexe des dirigeants dans les pays où sévit la dictature est de couper la connexion internet. Et pourtant le problème n’est pas que le numérique. Vu qu’une cause plonge toujours sa racine dans une autre, c’est-à-dire qu’un problème découle toujours d’un autre.
Je ne voudrais pas sortir du contexte de la portée du digital dans la démocrature pour m’épancher sur les problèmes qu’il génère très souvent notamment le problème des fake news, de l’écho favorable que rencontrent bien souvent les extrémismes à travers le net mais qui en réalité sont des réalités antérieures au numérique. Vous vous souvenez surement de ces messages qui circulaient autrefois dans les classes et qui menaçaient de reproduire une certaine lettre au moins 10 fois et de l’envoyer à d’autres personnes au risque d’être victimes d’un malheur par inaction dans les prochains jours ? Si oui, alors fermons cette parenthèse et revenons aux dictatures.
Chers Cousines et Cousins,
De nos jours, presqu’à toutes les questions, on a des réponses à portée d’un smartphone peu importe la marque et la qualité ; c’est-à-dire que ce smartphone soit un chinetoque ou un occidental. Et pour information, toutes les qualités et toute gamme de téléphones sont désormais fabriquées en Chine. Ce qui rend presque caduc l’appellation chinetoque.
En réalité et grâce au smartphone, les gens peuvent désormais se mobiliser, s’exprimer sur un sujet en un temps record et de tout lieu. D’ailleurs la crise sanitaire liée à la pandémie à coronavirus que traverse le monde depuis fin 2019 a démontré à suffisance l’importance du numérique dans le quotidien de tout habitant de la terre. Alors intrinsèquement, le numérique restera un facteur de réduction des inégalités car permettant de dénoncer en temps réel les faits condamnables mais aussi d’avoir une idée en temps réel des auteurs (par action ou par omission) des faits portants atteinte à la jouissance des droits fondamentaux.
Pour alors mettre fin ou plus sérieusement réduire la survenance des abus dans un régime dictatorial ou démocratural, nous devons englober une plus large part de citoyens dans le réseau de dénonciation des faits. Et le seul moyen qui s’offre aujourd’hui à cet effet pour un citoyen depuis Mango d’être informé des dérapages en cours dans un coin d’Aflao, c’est bien évidemment le numérique. Nous devons alors rationnaliser son utilisation. Dorénavant nous devons être en mesure de garantir sur nos plateformes le partage en temps réel de toute injustice portée à notre connaissance.
Vu que je ne suis pas dans une course à l’exclusivité, ce qui me vient en idée face à la recrudescence des actes visant à restreindre le pseudo espace démocratique dont nous disposons au Togo est d’œuvrer à la multiplication de sites internet certifiés avec un comité de pilotage de qualité qui peut chaque jour centraliser et rapporter des informations fiables en temps réel. Ces informations entrant dans le cadre d’un système d’alerte précoce sur les violations potentielles ou en cours serviront de clés pour décrypter la situation des droits de l’homme et anticiper les conséquences de la commission de ces actes qui malheureusement déteignent sur le vivre ensemble.
Je suis fatigué de lire les réactions post-violations qui n’ont d’autres mérites que d’être relayées sur les plates-formes. Il faut que l’on aille au-delà de ces réactions à la limite émotives, pour montrer effectivement à tous ceux qui sont impliqués dans la chaine de commission des entraves aux libertés d’opinion que leur participation à ces faits répréhensibles ne restera guère dans l’ombre de l’anonymat. Ce ne sera pas le travail d’une seule personne mais le travail de nous tous qui voulons vivre dans la paix et la quiétude dans notre rectangle national. Nous devons mieux gérer nos indignations et surtout savoir structurer la façon de les partager. Au même moment en tant que citoyens et animaux politiques par nature, nous devrons œuvrer pour réguler et refonder les rapports de force entre les acteurs politiques. Il faut par conséquent en finir avec cette pratique qui consiste à avoir un David non armé face à un Goliath armé. En le disant, et contrairement à l’autre, je ne demande à personne d’aller prendre une arme. D’ailleurs, quiconque arrive au pouvoir par les armes ne peut se passer de gouverner avec les armes. Cette précision étant faite, mon allusion à David et Goliath c’est d’œuvrer pour que la loi serve nous tous comme arme et non qu’elle serve d’arme à quelques-uns pour terroriser les autres qui sont d’avis contraire. On peut ne pas être toujours du même avis mais progresser ensemble dans le respect de l’opinion de l’autre. Le rapport de force entre les confiscateurs du pouvoir et les aspirants au pouvoir doit être observé et apprécié en temps réel par tous au vu des informations portées à notre connaissance.
L’action numérique togolaise en faveur de la dénonciation des atteintes aux droits fondamentaux viendra en appui aux efforts et sacrifices présentement consentis à travers d’autres canaux. Au-delà, la puissance de nos plates-formes numériques ne doit pas être sous-estimée pour plusieurs raisons. La démocratie à la togolaise j’y crois tant que nous resterons tous mobilisés pour nous parler franchement et nous partager les informations à temps réel. Si vous êtes victimes et pensez qu’il faut rester silencieux pour bénéficier de la clémence de votre bourreau c’est comme croire qu’un matin la colonisation aurait pu prendre fin sans le combat de nos prédécesseurs. En clair, seule la dénonciation permet d’espérer une justice impartiale. Avec un meilleur usage du numérique et des informations en notre possession, nous pouvons influencer et veiller à l’assainissement des politiques publiques sur plusieurs questions : la santé, l’éducation, les libertés publiques. Dans ces conditions il urge de nous mobiliser pour agir dans la mesure de nos moyens respectifs pour la sauvegarde de nos libertés publiques en faisant chacun sa part.
Chers Cousines et Cousins,
Je commence de plus en plus par m’inquiéter du tournant dangereux pris par ceux qui nous gouvernent en matière de liberté publique. Le plus grave pour moi c’est l’indifférence et le silence public affiché par beaucoup d’entre nous juste parce qu’ils ne sont pas d’une certaine manière inquiétés directement. Ce qu’ils ignorent et je tiens à le leur faire savoir, c’est qu’à cette allure, même le droit au silence dont ces personnes prétendent jouir présentement pourra être remis en cause car il sera attendu d’eux une proclamation publique et solennelle de foi en le régime.
Chers Cousines et Cousins,
Hier matin, il a été porté à ma connaissance un énième fait d’abus d’autorité de mon Oncle maternel le Préfet du Golfe. Si vous avez bonne mémoire, il y a quelques jours de cela, c’était toujours à son initiative que des journalistes ont été mis aux arrêts juste parce qu’ils interviewaient une autorité traditionnelle. Cette fois-ci, j’apprends qu’à sa demande la BRI de la DGPN a ouvert une enquête à l’encontre du Secrétaire National chargé des structures décentralisées et de l’implantation du MPDD. Le motif serait une histoire d’atteinte à son honneur à la suite d’un échange via WhatsApp entre le mis en cause et Dosseh Komlan Enyonam, militant d’UNIR. Ce dernier aurait alors transmis leur discussion au préfet qui a saisi la police. Situation qui bien évidemment a contribuée à me faire démarrer ma journée du mauvais pied. D’abord le mis en cause a répondu toute la journée du 17 Février 2021 à une première convocation à lui notifiée lundi passé. À la sortie de l’audition du 17 février vers 18h, on lui tend une seconde convocation pour se présenter le 19 février. Cela porte donc à croire que la police nationale ne trouve rien de sérieux et de mieux à faire avec nos maigres ressources mises à sa disposition que de s’intéresser aux querelles dignes de celles des gamins dans une cour de récréation. Est-ce peut-être parce que les gens ignorent le rôle de la police nationale ? Si c’est le cas, je reviendrai Inch’Allah à une autre occasion sur le rôle véritable qui est celui de la Police. Ce sera aussi l’occasion d’ouvrir le voile sur la manipulation dont la police nationale peut naïvement faire l’objet par des autorités administratives et certains militants du parti au pouvoir ou disons. J’espère que mon oncle le préfet me fera le plaisir de m’inviter pour mieux m’expliquer dans son salon autour d’un plat de maïs avec du poisson salé accompagné de tomate et piment. Pour le commandant de la BRI je tiens à dire qu’on pourra se retrouver autour d’un bon plat de fufu avec viande boucanée. Rien de personnel. Juste l’envie d’en finir avec ces mauvaises pratiques. Sinon bientôt mon oncle préfet ne sera pas loin de faire arrêter ceux qui vont le critiquer à la réunion des fils et filles d’Aflao.
Chers Cousines et Cousins,
Le numérique doit nous aider désormais à dénoncer ce genre de situations mais aussi à décourager ceux qui seraient tentés de poser des actes similaires. De concert avec les différents groupes de discussion où nous nous retrouvons, le Groupe de Promotion de l’action numérique togolaise va jouer un rôle de pionnier dans la mise en place d’un système national de dénonciation des violations des droits humains par le développement d’un important système connecté sur les violations des droits humains. Il sera donc ouvert, un répertoire en ligne qui va progressivement centraliser les noms des acteurs et complices de ces violations. Pour ne pas dire les outils de répression.
Une fonction essentielle qui sera assumée par le Groupe de Promotion de l’action numérique togolaise portera sur la recherche et l’identification de tous les acteurs impliqués dans la chaîne de violation des droits humains que ce soit par action ou par omission. Pour un renforcement de la protection des citoyens dans le cadre d’exercice des libertés publiques, il faut poser des actes coordonnés permettant de dénoncer à la lumière du monde les auteurs et complices tout en veillant à la création d’une base de données actualisée des victimes avec les détails sur les faits.
La poursuite de la coopération avec les organisations de défense des droits humains qui disposent déjà d’une base de données interne non connectée et les victimes elles-mêmes qui pourront partager leurs mésaventures revêt une importance primordiale pour réussir à décourager ces pratiques attentatoires à la construction d’une démocratie. La protection des droits de l’homme est une chose trop sérieuse pour la concéder entre les mains exclusives de contre-pouvoirs qui n’existent que de petit nom et même pas de prénom ou de nom.
Chers Cousines et Cousins,
Nous assistons quasiment impuissants depuis aout 2017, à la fermeture officielle de l’espace du dialogue démocratique par les autorités togolaises. Pour preuve, les manifestions publiques ont été interdites avec la bénédiction de notre assemblée nationale version 2018. Mais en réalité vous ne devez pas trop vous en plaindre car vous avez désormais l’espace numérique public à votre disposition et que vous devez l’utiliser à bon escient. Je ne fais que partager avec vous ce que je pense et à haute voix. Vous n’avez pas forcement besoin de me rallier ou d’aller créer une association avant d’agir pour sauver vous libertés publiques. Je ne peux m’empêcher de terminer le message du jour sans ce rappel du pasteur Martin Niemöller (1892–1984) : « Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester ».
Votre Cousin,
Papa Khadidja