Arrivé au pouvoir en 2005 suite au décès de son père, feu général Gnassingbé Eyadema, et grâce à des élections occasionnant plus 1000 morts selon la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme (LTDH) et plus de 500 morts selon la communauté internationale, Faure Gnassingbé, l’actuel chef d’État du Togo lorgne vers un 4ème mandat. Qu’en est-il des 3 mandats ? Un quatrième mandat pour quoi faire ?
– Contexte –
Après son arrivée peu orthodoxe au pouvoir, celui qui est surnommé << homme simple >> par ses concitoyens a entrepris de fallacieuses démarches pour la réconciliation des fils et filles du Togo avec la mise sur pied d’une Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) présidée par l’évêque d’Atakpamé, Mgr Barrigah Nicodème. Malgré la volonté de cette Commission de bien œuvrer, ses travaux ont été torpillés par la grande muette (Forces Armées Togolaises) qui par une irruption fracassante lors des audiences, ont tenu à dire leur part de vérité et surtout rejeter en bloc les accusations portées à leur encontre. Cette sortie maladroite qui a semblé recevoir l’assentiment du chef de l’État car n’ayant pas pu recadrer les choses, a jeté du discrédit sur le processus. Les recommandations issues des activités ont été mises en œuvre de façon hasardeuse avec des bourreaux qui n’ont jamais reconnu leur tord et demander un pardon sincère aux victimes.
Après ce processus reconnu comme un raté, le chef de l’État s’est révélé comme un homme qui ne respecte pas sa parole. En effet depuis Août 2006, précisément le 20 Août 2006 où un accord dénommé Accord Politique Global (APG) a été signé, le chef de l’État a refusé de mettre en œuvre le principal axe de cet accord dont la mission est d’opérer les réformes institutionnelles et constitutionnelles notamment la limitation du mandat présidentiel à deux, et l’élection présidentielle à deux tours. La réclamation de ces réformes a entraîné beaucoup de pertes en vies humaines. Plusieurs citoyens tombés sous les balles et d’autres, victimes de la répression barbare des manifestations publiques pacifiques.
La dernière en date demeure la crise sociopolitique du 19 Août 2017 avec son lot de décès et de blessés avant la réalisation de ces réformes qui ont laissé beaucoup de personnes sur leur soif.
– Au plan social –
Les trois mandats du chef de l’État sont loin d’être une satisfaction pour les populations. La précarité ambiante avec le chômage des jeunes en toile de fond. Plus de 35% de jeunes sont dans le secteur informel, 29% (rapport inseed 2015) des togolais sont en situation de sous emplois. De plus, des milliers de jeunes qui sortent de nos universités dont les conditions de travail sont peu enviables deviennent des « sans emplois ».
– Au plan économique –
La gouvernance du fils de l’ancien dictateur (Gnassingbé Eyadema) est gangrénée par la gabegie, le népotisme et la corruption. L’exemple de WACEM Gate, le détournement des fonds (26 milliards) de construction de la route Lome-Vogan-Afoin, et les 600 millions volatilisés lors de la participation du Togo à la CAN 2017 au Gabon, pour ne citer que ceux-là.
Devant tous ces scandales, aucune mesure sérieuse n’a été prise pour mettre la main sur les fossoyeurs et les soumettre à la rigueur de la loi. Le secteur minier est géré dans une totale opacité par des individus sans foi ni loi qui narguent les populations des localités comme Kpémé au niveau de la SNPT, Tabligbo et Sikankondji avec WACEM et Scan Togo qui sont parmi les couches les plus misérables du pays.
Sous le règne de celui qui s’étonne d’être qualifié de dictateur sanguinaire par ses concitoyens, le sport est un secteur mis au placard notamment les sports de main qui peinent à décoller par manque de moyens et de la gestion scabreuse de ces fédérations par des personnes opportunistes et arrivistes. Le football malgré la reprise des championnats avec l’arrivée du colonel Guy Kossi Akpovi après son élection en février 2016, c’est la désolation et de l’amateurisme érigés en règle de conduite. Une équipe nationale sclérosée et avec un entraîneur aux antipodes du foot moderne.
– L’éducation et la santé –
Ces secteurs ont connu le plus d’agitations avec des grèves à répétions. Des grèves orchestrées par des syndicats comme le Syndicat National des Praticiens Hospitaliers du Togo (SYNPHOT) et la Coordination des syndicats de l’éducation du Togo (CSET). Au plan d’infrastructure, les deux secteurs sont presque à l’agonie avec des bâtiments datant de l’époque coloniale. Jusqu’à ce 21ème siècle, le Togo ne dispose pas d’un hôpital digne de ce nom. Le plus grand centre hospitalier Sylvanus Olympio est l’objet de plusieurs maux comme manque de personnels, absence d’outils de travail, inondations en saison de pluie etc…
Le paradoxe demeure le troisième mandat qui est en cours avec son lot d’augmentation des prix (carburant, électricité, eaux et la mise en exécution prochaine de la taxe d’habitation). Au cours de ce mandat, la majeure partie des togolais s’enfoncent dans la précarité avec des conditions de vie qui se dégradent de jour en jour. Le mandat le plus décevant selon plusieurs observateurs de la société civile togolaise.
Au vue de tout ce qui précède, un quatrième mandat de Faure Gnassingbé serait suicidaire pour le pays vu l’État de déconfiture du pays. Le tissu social déchiré, la frustration des populations qui rime avec leur vécu quotidien. Le tout couronné par la confiscation des libertés individuelles et collectives en matière de manifestation publique avec le vote des lois liberticides par le parlement le 09 mai 2019. Un quatrième mandat risque d’être la goutte d’eau qui fera déborder le vase. Wait and see !!!
Par Gabin MENSAH, DI I228