Expert en gouvernance démocratique et Représentant du National Democratic Institute (NDI) en République Démocratique du Congo RDC, Dany komla Ayida est l’un des acteurs de la diaspora togolaise qui s’intéressent à l’actualité  sociopolitique dans leur pays. Dans une interview accordée à la rédaction d’Informateur 228, il a passé en revue les derniers développements de l’actualité sociopolitique au Togo. Lisez plutôt !

-Bonjour M. Dany Ayida

Bonjour et merci de l’opportunité.

-Depuis plus d’un 1 an le Togo traverse une crise politique. Quel regard portez-vous sur la dite crise? 

La crise togolaise de date pas d’un an. Elle a seulement culminé à partir d’août 2017 avec l’arrivée d’un nouvel acteur (le PNP de Me Atchadam). Et c’est tout à son honneur. Je trouve que c’est une bonne chose qu’on en soit arrivé enfin à une crise politique ouverte ; cela permet de situer des responsabilités et rechercher des solutions durables.

-Dans son rôle de médiation dans  la  crise togolaise, la CEDEAO a élaboré le 31 juillet 2018 une feuille de route de sortie de crise qu’elle ait soumise aux protagonistes de la crise. Quelle analyse faites-vous de ce document?

La feuille de route de la CEDEAO est déjà dans sa phase de mise en œuvre. Il ne sert pas vraiment de revenir sur son caractère lacunaire. J’ai déjà eu l’occasion de dire que cette feuille de route a fait une lecture biaisée de la crise et de ses acteurs. Les préconisations faites semblent ne pas avoir tenu compte du rôle et de la place de l’Etat comme partie prenante du blocage (lequel date de plus de 25 ans). C’est pourquoi je disais qu’en proposant d’organiser des élections législatives le 20 décembre 2018, la CEDEAO a commis une grave erreur. Car même si cette date est indicative, elle a servi de référence au gouvernement UNIR qui a poursuivi l’organisation unilatérale des élections.

Il semble néanmoins que la CEDEAO ait pris la mesure de ces erreurs et qu’elle tente depuis quelques temps de colmater les brèches. Dans ses récentes interventions, elle a rappelé l’importance des réformes. Le travail fait par son expert offre également quelques pistes, notamment en ce qui concerne les révisions constitutionnelles. Toutefois les experts régionaux qui appuient la CENI semblent pêcher en eau trouble. En acceptant d’auditer un fichier électoral tronqué dans sa nature, issu de l’enrôlement unilatéral organisé par la CENI partielle et partiale, la CEDEAO a pris un grand risque.

On peut dire pour résumer que la médiation sous-régionale permet de calmer un tant soit peu le jeu politique. Mais les résultats ne sont pas encore de nature à rassurer les Togolais.

-Quelques mois après l’élaboration de la feuille de route, la situation semble ne pas évoluer. Qu’est-ce qui peut expliquer ce statu quo? 

Ce n’est pas surprenant. La volonté politique du côté du pouvoir est déficitaire. Ceci se double par des actions entreprises par le gouvernement UNIR qui rassemblent à du sabotage.

La situation qu’on vit aujourd’hui n’est pas dans l’intérêt du régime, encore moins dans celui de la population. Le niveau de prise de conscience et d’engagement populaire est assez fort. Personne n’est plus prêt à laisser faire la dictature comme ce fut le cas les années précédentes. Le changement pour la majorité de la population togolaise, au pays comme dans la diaspora est inéluctable. Je pense que c’est plutôt le pouvoir qui doit vite s’aménager une porte de sortie au lieu de continuer dans l’enlisement.

-L’un des points contenus dans la feuille de route tourne autour de la réalisation des réformes. Dans cette optique la CEDEAO a proposé un texte de révision constitutionnelle aux acteurs. Quelle analyse faites-vous de ce texte ?

Je pense que ce texte est un bon outil de travail. Il provient des réflexions d’un expert dont les compétences ne font pas de doute. Mais vous savez, une constitution n’est pas un livre quelconque. Elle caractérise l’âme de la République. A ce titre les propositions de l’expert sénégalais méritaient d’être reçues et étudiées dans des cadres indiqués en vue de leur appropriation d’une part par la classe politique et d’autre part par les acteurs sociaux. On a raté cette étape parce que la CEDEAO ne l’avait pas trouvé utile. Maintenant sur la substance, des partis de l’opposition (la C14 notamment) ont donné un avis favorable. C’est une avancée remarquable.

Si les principaux acteurs s’accordent sur les problèmes relatifs à la limitation du mandat présidentiel et au mode de scrutin de la présidentielle, je suis persuadé que le pays aura fait un grand pas en avant. Il y a d’autres aspects sur lesquels il faudrait des compromis ; mais il appartient aux facilitateurs d’y veiller.

-La date du 20 décembre a été indiquée par la CEDEAO dans sa feuille de route pour l’organisation des élections législatives. Le gouvernement pour se conformer à cette décision a enclenché un processus électoral malgré l’absence de l’autre camp en l’occurrence la C14. Que pensez-vous de ce processus électoral ? Va t-il aboutir ? 

Comme je l’expliqué en répondant à une question précédente, le processus électoral unilatéral est un acte de sabotage. Il ne peut être accepté et le peuple doit se mobiliser pour faire échec à ce processus. D’ailleurs, le processus est déjà dans un cul-de-sac. On ne peut l’y sortir sans remettre clairement en cause les responsables de cette fraude organisée. Je pense que le gouvernement et la CENI qui travaillent tous pour le parti UNIR doivent être sanctionnés. Ils ne sont pas crédibles et ne méritent plus la confiance de notre population.

-La C14,  face à la non réalisation des réformes et des autres points de la feuille de route  décide de boycotter le processus électoral. Le boycott  est la meilleure stratégie ?

Je pense que la C14 pour le moment se garde de parler de «boycott ». Ses responsables disent et demandent à la population de « se mettre à l’écart du processus ». C’est assez prudent, même si le résultat revient au même.

Je crois également qu’il ne faut pas boycotter des élections dans ce pays qui nous tient à cœur à tous. Mais quand un processus est biaisé et vicié, il faut empêcher à ce qu’il ne se tienne. Et c’est l’enjeu des élections que le régime de dictature projette de tenir, dans le chaos. Cela ne peut prospérer !

-Quel regard portez-vous sur les actions de la société civile dans cette crise?

Nous assistons à une transformation du phénomène social togolais. De plus en plus d’acteurs consciencieux prennent conscience de leurs rôles et responsabilités. Ils revoient leur positionnement stratégique et sont en train de prendre leur part à la vie publique à cette période critique de notre histoire. D’autres organisations choisissent malheureusement de jouer dans la périphérie. Elles ne prennent pas position ou jouent aux équilibristes. Elles utilisent les vieilles méthodes de participation citoyenne. Celles-là accompagnent la crise et en profitent. Elles ne sont pas utiles à notre société actuelle au regard des enjeux. Tant pis pour elles.

-M. Dany, nous voici à la fin de l’entretien, un mot à l’endroit de la population ?

Il faut que notre peuple s’organise pour faire face avec courage aux défis du moment. C’est notre histoire commune qui s’écrit. Et chacun de nous doit y prendre sa part. L’alternance politique est une attente générale. Nous avons besoin que chacun  joue efficacement sa partition dans ce contexte, pour tourner la page de la dictature. D’autres peuples sont passés par là.

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