Ancien candidat déclaré aux élections présidentielles du 22 février 2020 au Togo, Dr Jean Emmanuel Gnagnon, dans une interview accordée à la rédaction d’informateur228.com, parle de son mouvement « TOGO RESTAURATION », de ses perspectives d’avenir et aborde la crise sanitaire actuelle liée à la pandémie du coronavirus et propose une gestion inclusive.
Interview
Elom ADABE – Vous êtes le président du mouvement Togo restauration. Parlez-nous peu de votre mouvement ?
Dr Gnagnon – Je voudrais d’abord vous féliciter pour le travail d’information que vous faites et qui est très important pour le progrès et le développement.
Togo Restauration, il faut surtout le rappeler, est une dynamique populaire suscitée autour de ma modeste personne par des femmes, des hommes et des jeunes désabusés par la léthargie qui gangrène le système politique et socio-économique dans notre pays depuis au moins trois décennies déjà. Il s’agissait bien évidemment de Togolaises et de Togolais de tous bords confondus qui ont cru en nous pour être une alternative crédible et pour incarner une alternance politique pacifique à l’issue de l’élection présidentielle du 22 février dernier. Point n’est plus besoin de revenir aujourd’hui sur les épisodes presque rocambolesques qui ont marqué le parcours.
Aujourd’hui beaucoup de curieux se demandent ce qu’est devenue la dynamique Togo Restauration. Il faut dire que nous avons commencé avec nos nombreux soutiens et sympathisants à travailler pour nous organiser au mieux, afin de capitaliser les actifs dont nous disposons aujourd’hui et d’aller assurément vers la création d’un mouvement politique qui s’annonce déjà comme un cadre de promotion des idées politiques nouvelles, adaptables aux enjeux multisectoriels de l’heure.
Il est bien clair que le combat pour un Togo nouveau doit se poursuivre et la nouvelle génération reste à bien des égards l’ultime solution, à la fois pour garantir l’alternance politique pacifique que pour la sauvegarde du vivre-ensemble, le développement humain intégral et l’émergence économique.
De notre côté, nous continuons de croire malgré tout que la classe politique togolaise dans tout son ensemble a l’impérieux devoir moral d’œuvrer à une résolution concertée de la crise politique toujours vivace dans notre pays.
En effet, contre toute attente, l’élection présidentielle du 22 février 2020 reste pour de nombreux compatriotes un rendez-vous manqué pour donner la chance à une nouvelle génération d’acteurs politiques qui auraient plus été des vecteurs véritables d’une réconciliation nationale réussie et d’une cohésion sociale renforcée.
Mais, de toute façon, nous avons compris, devant une telle situation d’enlisement sans précédent, le sens fondamental de notre rôle: celui de contribuer à la naissance du Togo nouveau, prospère et l’instaurer dans sa dimension de l’or de l’humanité.
Q – Parlons actualité. La pandémie du coronavirus sévit dans le monde et au Togo. Quelle appréciation faites-vous de la gestion faite par le gouvernement au plan sanitaire ?
R – Le Covid-19 secoue aujourd’hui toute l’humanité sans distinction véritable aucune. Il n’était pas pensable, en dehors de certains films hollywoodiens qui mettent en scène de telles horreurs, que nous allions assister à des centaines et des milliers de morts par jour et cela dans plusieurs pays du monde.
Devant une telle hécatombe, tous les pays prennent bien évidemment des mesures diverses et nombreuses pour faire face à la pandémie.
Au Togo, les mesures prises par le gouvernement sont diversement appréciées, car le défi se trouve effectivement dans la mise en œuvre. Il faut dire que globalement le gouvernement togolais donne l’impression de faire une gestion approximative de la crise sanitaire actuelle.
On note avec grande inquiétude une certaine panique de la part de l’exécutif togolais, qui s’explique par l’inexistence d’un système de santé adéquat, des infrastructures sanitaires répondant aux besoins effectifs des populations. Je crois que le lourd passif dans le secteur de la santé prédisposait déjà à une gestion presque calamiteuse de la crise sanitaire.
Cependant, il faut par ailleurs remarquer les efforts multiformes initiés depuis le discours du Président Faure Gnassingbé le 1er avril dernier et qui nécessitent d’être coordonnés efficacement afin de rassurer les citoyens.
Q – Dans le cadre de la riposte contre le Covid-19, le chef de l’État a annoncé un certain nombre de mesures sociales à l’endroit des Togolais. Quel est votre regard sur ces mesures ?
R – Après le discours d’ailleurs tant attendu du président Faure Gnassingbé à la nation, nous avons été l’un des tout premiers acteurs à saluer le geste et les mesures annoncées dans leur globalité. Mais nous exprimions déjà qu’il était nécessaire que les modes opératoires soient efficaces et inclusifs et qu’il était également important de rassembler tous les acteurs politiques et de la société civile dans un même élan patriotique et de cohésion sociale pour des actions concertées et synergiques.
Aujourd’hui, nous avons l’impression que, malgré l’état d’urgence sanitaire qui devrait être l’occasion de lancer un appel pressant et patriotique à toutes les forces vives de la nation, le gouvernement se donne l’exclusivité de la mise en œuvre des mesures prises qui pour certaines sont impopulaires et irréalistes.
Il ne faudrait pas que la mise œuvre des mesures sociales créent de nouvelles disparités dans le pays et soient la source d’autres formes de frustrations qui vont exacerber les ressentiments socio-politiques existants.
Nous sommes tous conscients des énormes pertes économiques qui seront déplorées, dues aux mesures sécuritaires pour lutter contre la pandémie du Covid-19.
Mais sans trop rentrer dans les détails, les mesures d’accompagnement restent encore très insuffisantes. Qu’il s’agisse de l’électricité, de l’eau, du programme de transfert monétaire, de l’aide aux transporteurs, il faut relever que le manque à gagner pour les populations reste toujours très élevé.
Je crois que le gouvernement doit faire plus!
Nous n’allons pas forcément faire des comparaisons avec ce qui se fait actuellement dans d’autres pays pour soulager les grosses pertes des populations actives et en terme d’actions de solidarité à l’endroit des plus vulnérables, mais il est très important de mobiliser le maximum de moyens pour éviter une plus grande paupérisation dans notre pays, qui pourrait renforcer la fracture sociale existante.
Aujourd’hui, la baisse du prix des produits pétroliers doit être plus conséquente, l’aide alimentaire peut se faire également grâce aux réserves importantes de l’ANSAT qui envisage paradoxalement de voler au secours des pays voisins.
Le soutien au secteur privé doit être effectif, qu’il s’agisse des entreprises classiques ou des établissements d’enseignement ou de formation professionnelle, de même que les organes de presse.
Il est par ailleurs déplorable qu’il n’a pas été prévu dans des analyses préalables que le programme « Novissi » rencontrerait des difficultés dès son lancement, et que des solutions pratiques aient été envisagées pour répondre efficacement à l’énorme demande. D’autant plus que cela ne devrait pas surprendre : nous connaissons l’état de dénuement généralisé dans notre pays avant même le Covid-19.
Un autre fait nous semble être occulté en ces moments de crise sanitaire, c’est la prise en charge des autres cas de maladies ordinaires au niveau des populations qui n’ont pas accès aux assurances. Il est évident qu’avec la pression de la pandémie du Covid-19, les cas d’hypertension, de diabète, et bien d’autres formes d’affections se multiplient au sein de la population. Je crois donc qu’il est important de prendre des mesures pour subventionner conséquemment le secteur de la santé en général pour faire face à toutes ces éventuelles réalités.
Par ailleurs, il est vrai que certaines actions visent les personnes vulnérables, mais il faut également qu’un accent particulier soit mis sur les personnes âgées, les personnes handicapées et les orphelins. Il nous faut des mécanismes appropriés pour toucher ces couches sociales souvent marginalisées.
C’est pourquoi depuis que les mesures sociales ont été annoncées, nous avons expressément souhaité que les modes opératoires soient efficaces et inclusifs.
De façon générale, il est certain que les quelques acquis économiques de notre pays seront gravement grevés et nous pourrons faire face à une récession économique aux conséquences catastrophiques.
Q – Comment entrevoyez-vous le Togo au lendemain du Covid-19 ?
R – Beaucoup de choses auront changé et surtout pas en bien. Vous savez, en situation de grands changements, la survie se définit plus en rapport avec la capacité d’adaptation et d’anticipation. Je crains que tout gouvernement, qui ne pourra anticiper et adapter au mieux ses décisions, ne se condamne à cause de la réactivité face aux affres de la pandémie. Il est très important de prendre en ces temps d’incertitudes des décisions objectives et non politiciennes, caractérisées véritablement par la préservation de l’intérêt général.
Sinon, l’après Covid-19 risque d’être une période de grande précarité et de l’affaiblissement avancé de l’autorité de l’État. Vous pouvez déjà bien imaginer facilement un tel scénario de la perte des repères.
Ce qui est sûr, que ce soit au Togo comme partout ailleurs dans le monde aujourd’hui, le taux de pauvreté va augmenter ainsi que tout son lot de corollaires: chute du PIB, taux de chômage élevé, etc.
Pour ce qui concerne le Togo, je me demande aussi ce que deviendront l’économie, l’éducation et la formation professionnelle, le secteur privé et l’entrepreneuriat, la santé, etc.
Je crois qu’il faut comprendre déjà que les systèmes de gouvernance, les habitudes économiques, politiques et socioculturelles vont changer après le Covid-19. C’est donc l’heure de réinventer le futur !
Actuellement, il faut une double approche: lutter pour endiguer la propagation de la pandémie et innover dans la pratique de la gouvernance politique et économique pour la continuité par l’adaptation et la créativité.
Par exemple, depuis la fermeture des universités, lycées et écoles, on pourrait innover comme le Ghana qui crée une télé spécialement dédiée à l’accompagnement des élèves qui devraient passer des examens nationaux.
C’est pour dire que si nous n’anticipons pas et ne nous accommodons pas à la situation actuelle, nous risquons de connaître le pire épisode de notre histoire commune.
E. ADABE – Nous sommes à la fin de l’interview, un message à l’endroit de vos compatriotes ?
Dr Gnagnon – Je voudrais dire à nos compatriotes que la pandémie du Coronavirus est une réalité. Nous devons absolument respecter les mesures barrières de même que les mesures sécuritaires prises par le gouvernement.
Nous devons nous rappeler que nous sommes de braves hommes et de braves femmes sur la terre de nos aïeux.
Nous avons ainsi devant l’ennemi commun et invisible une opportunité de plus de montrer que nous sommes engagés tous pour un avenir commun.
Je lance un appel pressant à la jeunesse de croire en notre force intérieure et de contribuer à sensibiliser les populations au respect des mesures barrières.
J’invite les leaders religieux à plus d’engagement dans l’intercession en faveur de la nation.
Que Dieu nous protège tous mais protégeons-nous nous-mêmes aussi ainsi que nos proches!
Je vous remercie.
FIN