Depuis quelques temps, un débat sur un éventuel retard dans l’organisation des prochaines législatives et un éventuel report du scrutin surgit au sein de l’opinion. Face aux diverses réactions notamment des partis politiques, l’Institut Temberma pour la bonne Gouvernance (ITG) ,une organisation de la société civile décide se prononcer à travers un texte publié ce lundi 09 octobre.
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Le Togo est-il en retard dans l’organisation des législatives de 2023 ?
Le mandat des quatre-vingt-onze (91) députés à l’Assemblée nationale, qui est de cinq ans, arrive à son terme le 31 décembre 2023, date du cinquième anniversaire de la proclamation des résultats définitifs des législatives par la Cour constitutionnelle. Les élections ont lieu dans les trente (30) jours précédant l’expiration du mandat des députés, soit entre le 1er et le 30 décembre 2023 conformément à l’article 52 al. 2 de la constitution et 203 al.2 du code électoral en vigueur.
En effet, la « démocratie électorale », pour laquelle le Togo a opté dans sa Constitution de la IVème République adoptée en 1992 avec ses révisions successives, est un régime dans lequel la compétition pour le contrôle de l’action gouvernementale de l’Etat, aux niveaux national et local, est réglée d’une manière durable grâce à des élections qui doivent être considérées suffisamment libres et honnêtes par les principaux acteurs politiques et sociaux intéressés pour que ceux-ci préfèrent s’y conformer plutôt que de poursuivre la lutte par d’autres moyens. Ce choix valorise de manière républicaine la procédure électorale comme moyen de dévolution du pouvoir politique. Les principales étapes des processus électoraux doivent être inclusives et prévisibles afin de renforcer la confiance des parties prenantes à savoir le gouvernement et les institutions publiques en charge des élections, l’organe de gestion des élections en l’occurrence la Commission électorale indépendante (CENI), les partis politiques, les mouvements politiques indépendants, la société civile et les partenaires techniques et financiers.
Quelques références en rapport avec le cadre juridique électoral
29 avril au 14 jui jen : déroulement du recensement électoral sur tout le territoire national subdivisé en 03 zones. Prévu pour finir le 03 juin, le recensement électoral, comptant pour les préparatifs des législatives voire les régionales de 2023, a été prorogé dans la zone 3 pour des raisons d’affluence grandissante des demandeurs de carte d’électeur selon la CENI. La reprise des opérations de recensement dans la zone 1, demandée par certains partis d’opposition, n’a pas eu gain de cause créant un sentiment de deux poids deux mesures et par ricochet des frustrations au sein d’une partie de formations politiques. Le fait de refuser un délai supplémentaire à la zone 1 ayant un poids démographique plus important et qui a connu dix jours de recensement électoral au même titre que la zone 3 moins peuplée a été perçu comme un déséquilibre par certains acteurs politiques.
1er au 30 décembre 2023 : période de tenue des scrutins législatifs. En effet, la constitution et le code électoral font obligation aux pouvoirs publics d’organiser les élections législatives dans une période de trente (30) jours avant l’expiration du mandat des députés dont la législature court sauf en cas de dissolution anticipée de l’Assemblée nationale. Dans le cas de figure, une date doit être déterminée par le gouvernement, sur avis de la CENI, pour la tenue des prochaines législatives entre le 1er et le 30 décembre 2023. Cependant, des questions sont soulevées quant à la « rétroactivité », « l’immédiateté » ou la « postériorité » des nouvelles règles issues de la révision constitutionnelle de 15 mai 2019 et qui ont consacré l’augmentation de la « durée du mandat » des députés la passant de 5 ans à 6 ans. Même s’il n’y a pas une jurisprudence sur la question au niveau du Togo, les principes généraux du droit voudraient que les mesures nouvelles « disposent pour l’avenir » et ne changent pas les droits acquis par le mandat accordé par le Peuple aux élus. Ainsi, le mandat des députés de la 6ème législature de la IV République arrivera à sont terme le 31 décembre 2023. Il faut noter que le seul report partiel du scrutin n’est autorisé par la loi que lorsque dans une circonscription électorale une liste perd des candidats de telle manière que le nombre de candidats restant sur la liste soit inférieur au nombre de postes à pourvoir. Le scrutin dans la circonscription concernée sera reporté à trente (30) jours après la date des législatives générales.
25 Octobre au 26 novembre 2023 : dépôt de candidature pour les élections législatives. La loi électorale est formelle sur la période durant laquelle les candidatures pour les élections législatives seront déposées auprès de la CENI. Il s’agit de l’article 221 du code électoral qui stipule que « trente-cinq (35) jours au plus tard avant la date du scrutin, par le candidat placé en tête de liste auprès de la CENI une déclaration de candidature signée comportant des informations… ». Quelle que soit la période qui sera déterminée par la CENI pour, le dépôt des dossiers de candidature prendrait fin dans cet intervalle de temps afin de permettre la vérification administrative par le Ministère de l’Administration du Territoire, de la Décentralisation et du Développement du Territoire et le contrôle juridictionnel par la Cour constitutionnelle qui a l’obligation de publier la liste définitive vingt-cinq (25) jours avant le scrutin.
15 jours avant le scrutin pour la campagne électorale. Quel que soit le type de scrutin, le législateur togolais a harmonisé la période de la campagne à 15 jours avant l’élection et se termine à 24 avant le jour du scrutin. La période de vingt – quatre qui sépare la campagne électorale du jour du scrutin est appelé le « silence électoral ».
10 jours avant le scrutin pour la désignation par les candidats de leurs délégués et suppléants à déployer dans les bureaux de vote.
En définitive, les prochaines législatives sont toujours hantées par le boycott qui avait caractérisé celles du 20 décembre 2018 par certains partis de l’opposition qui jugeaient les conditions de leur organisation peu transparentes et inclusives. La fiabilité du recensement électoral a été diversement appréciée car certains acteurs politiques de l’opposition qui jugeaient relativement court le délai imparti à la zone 1 comprenant le grand Lomé, la région Maritime et une partie de la région des Plateaux. Cependant, aucun parti ou mouvement indépendant ne prône le boycott pour les prochaines législatives qui seront couplées ou organisées dans la foulée des premières élections régionales du pays selon les déclarations officielles.
Au-delà des activités légales mentionnées ci-dessus, les opérations électorales comprennent aussi d’autres actions importantes comme l’opérationnalisation de la CENI et ses démembrements, la disponibilisation des matériels sensibles (bulletins de vote, fiches de résultats, urnes, isoloirs, encre indélébile etc.), la logistique (bureaux de vote et équipements), la formation des agents électoraux, l’éducation civique et électorale des citoyens etc. Il faut donc un temps raisonnable pour mettre en œuvre convenablement ces actions du processus électoral.
En l’absence d’un délai légal de convocation du corps électoral par décret en conseil des ministres, la CENI, en relation avec le gouvernement, a le devoir de publier, dans un meilleur délai, un chronogramme détaillé des élections législatives de décembre 2023. Ce chronogramme électoral permettra aux acteurs politiques de préparer leur participation au scrutin et à la société civile de jouer convenablement son rôle de veille.
Dans l’ensemble, les conditions sociopolitiques actuelles sont marquées par des réformes du Code électoral (octobre 2021), de la Charte des partis politiques (mai 2022) et d’autres mesures normatives relatives aux élections régionales. Ces réformes sont consécutives aux résultat des travaux de la « Concertation nationale entre acteurs politiques (CNAP) » achevée le 13 juillet 2021 assortie de recommandations et suivie d’un Cadre permanent de concertation (CPC). Ce Cadre mérite d’être soutenu et son caractère inclusif renforcé par la participation d’un plus large éventail d’acteurs politiques et de la société civile.
La CENI et le gouvernement doivent également renforcer, de manière généreuse, la communication politique envers les acteurs électoraux afin de renforcer leur confiance dans le processus.
Lomé, le 09 octobre 2023
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