L’une des rares personnalités qui prend position sur les sujets d’intérêt public, Papa Khadidja, dans un nouveau message aux cousins, dénonce l’autocensure au sein de la société par rapport au non respects des droits et libertés fondamentaux. Cet engagé pour la cause des droits de l’homme invite l’État à revoir sa position sur les 500.000f instaurés pour la prise en charge de l’isolement des citoyens togolais résidant à l’étranger et qui souhaitent rentrer au pays en ce temps de Covid-19.

MESSAGE AUX COUSINS DU 06 JUILLET 2020
Chers Cousines et Cousins,

Selon notre cousin Omraam Mikhaël Aïvanhov, « la patience est une qualité qui doit accompagner toutes les autres. Il faut être sage et patient, être généreux et patient, être fort et patient, sinon toutes ces qualités que sont la sagesse, la générosité, la force, etc., perdent rapidement de leur pouvoir ». Ces derniers jours j’ai essayé de développer cette qualité car les deux guerriers les plus puissants sont la patience et le temps. Pas facile. Mais je continue l’exercice. Je reviens cette fois-ci pour aborder un phénomène que j’appellerai le Syndrome du Sourd Muet (SSM).

Chers Cousines et Cousins,

Le sourd-muet est une personne qui, atteinte de surdité congénitale ou très précoce, est aussi privée de la parole. Le Syndrome du Sourd Muet « cousinement parlant » c’est la faculté d’une personne en bonne santé qui face aux assauts répétés du quotidien et mû par le devoir de sauvegarder son pain quotidien ou ses avantages probables, préfère se murer dans un silence en faisant semblant de ne pas entendre ce qui se passe autour d’elle et en refusant d’en parler publiquement. Je pense que les victimes du SSM se reconnaîtront car je vous sais nombreux.

Le SSM est l’expression d’une nouvelle réalité socio politique collective des citoyens togolais contraints à taire leur indignation au risque de représailles directs du pouvoir ou indirects des alliés du pouvoir. De peur d’être étiquetés opposants à l’homme dit simple de la présidence beaucoup optent faire profil bas.

Cette censure personnelle que je qualifie de SSM marque une étape importante dans la remise en cause des droits et libertés théoriques accordés aux togolais. C’est l’illustration d’une réalité de la modernisation des anciennes pratiques caractérisées par une gouvernance au nom de la violence légale. Le slogan le plus usité à l’endroit de ceux qui se hasardent à parler est le suivant : « Vraiment FEG est à féliciter pour sa capacité à laisser tout le monde s’exprimer librement ». Ce qui illustre bien une abdication dans la revendication des droits qui sont censés être innés. On fait sa vie avec les droits qu’on pense concédés à nous par le Prince et ses courtisans.

Chers Cousines et Cousins,

Toute personne est libre de penser comme elle l’entend ou d’avoir des opinions contraires à celle de la minorité qui s’est appropriée nos ressources communes sans être inquiété pour cela. Sauf si vous refusez d’en faire usage ou pire si vous attendez l’autorisation de ceux contre qui vous comptez en faire usage. La liberté d’expression est un droit universel qui constitue un élément de toute démocratie. Elle prend plusieurs formes : orale, écrite, audiovisuelle, culturelle, virtuelle, artistique, etc. Mes Messages aux Cousins sont justement ma façon à moi de jouir de cette liberté et d’échapper au Syndrome du Sourd Muet.

Chers Cousines et Cousins,
La bonne blague c’est lorsqu’on se sert de la loi pour réduire le principe à une exception. En effet, beaucoup de disposition sont prises avec la législature issue de l’accident électoral de décembre 2018 pour pervertir les restrictions à l’exercice de notre liberté d’expression. Les arguments les plus favoris sont la sécurité nationale, l’intégrité territoriale, la sûreté publique, la défense de l’ordre et la protection de la réputation ou des droits d’autrui. Je voudrais rappeler aux uns et aux autres que l’esclavage était légal, le racisme était légal, l’apartheid était légal, la Faune au Togo était légale.
La liberté d’expression est parfois présentée comme une liberté du citoyen dans la vie publique, au même titre que le droit de vote ou le droit à une nationalité. Bref un droit hors du commun selon la doctrine car étant à la fois un droit en soi et un droit indispensable, mais aussi parfois préjudiciable en cas d’abus, à la réalisation d’autres droits lui conférant ainsi une place essentielle dans le système des droits fondamentaux. En effet, constituant une condition de la liberté de la pensée, elle exprime l’identité et l’autonomie intellectuelle des individus et conditionne leurs relations aux autres individus et à la société.
La liberté d’expression et d’information constituent les piliers d’une société saine et démocratique sur lesquels repose la croissance sociale et économique : ils permettent la libre circulation des idées, nécessaire à l’innovation, et renforcent la responsabilité et la transparence. C’est un droit humain fondamental énoncé à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. De même que la liberté d’information et la liberté de la presse, la liberté d’expression pose la base de tous les autres droits. Il s’agit tout à la fois d’une liberté individuelle et d’une liberté collective. Pourtant, cette liberté reste fragile, voire menacée et en la matière, aucun pays n’est à l’abri de critiques. Donc ne croyons pas que ce sont à nos gouvernant de nous accorder des droits. C’est à nous de les revendiquer et de les pratiquer. Pour plagier mon Cousin Abderrahim Mofaddel, je dirai que la liberté ne s’achète pas, ne se donne pas et ne se livre pas en cadeau, mais elle se prend et s’arrache dans le monde intellectuel et conceptuel.
Chers Cousines et Cousins,
L’enjeu est avant tout psychologique. Si vous ne vous octroyez pas la liberté, vous ne l’aurez pas, même si ceux qui vous dénient cela finissent par vous l’accorder. N’est ce pas qu’on dit le plus souvent qu’on ne demande pas la liberté, mais l’illusion de liberté ? En effet, même dans les grandes démocraties les gens se battent au quotidien pour améliorer cette liberté acquise chèrement. La liberté étant présumée être avant tout une sensation, pourquoi s’auto censurer quand on a la possibilité de se croire libre à défaut d’être libre ?
Il faut toutefois éviter de s’enfermer dans une liberté vide. Par là j’entends une liberté d’ombres, une liberté qui ne consiste qu’à changer de prison, faite de vains combats entretenus par l’obscurantisme moderne et guidés par le faux jour comme le dit Jean-Edern-Hallier.
Chers Cousines et Cousins,
Je comprends le choix de beaucoup d’entre vous-même si je ne l’accepte pas. C’est bien de penser à son pain quotidien, à sa famille. Mais c’est une erreur de croire que parce que nous sommes silencieux nous serons épargnés.
Ne vous méprenez pas car la souscription au SSM n’est pas une solution pérenne ou viable car à tout problème complexe il existe une solution simple et fausse. En vérité, acheter de la qualité, c’est choisir de ne pleurer qu’une seule fois.
Le contentement de soi-même est un épais et dangereux bandeau qui nous emmène à ne voir que nous-mêmes, à ne penser que pour nous-mêmes jusqu’au moment où l’on est fatalement broyé par le système.
Chers Cousines et Cousins,
La visée essentielle de Nietzsche, c’est la liberté, mais conçue à l’antique, c’est-à-dire le contraire de la servitude. Ne jamais se retrouver dans la position d’esclave, voilà son souci constant, sa bataille de tous les instants. Sa liberté, il la veut entière, souveraine, non soumise à quelque restriction que ce soit. La liberté qu’il revendique est inconditionnelle et illimitée. Rien donc à voir avec la démocratie représentative basée sur la délégation.
La perspective nietzschéenne de la liberté, c’est-à-dire en fait de ce dont et de la manière dont il faut se libérer pour l’atteindre, n’a rien à voir avec le combat d’une classe de déshérités contre l’oppression et l’exploitation qu’elle subit. La liberté chez Nietzsche n’est pas une riposte réactive contre un asservissement mais une affirmation d’un privilège, celui de l’homme libre qui impose sa volonté et n’admet aucune entrave qui viendrait la restreindre. La liberté nietzschéenne ne supporte aucun interdit, et d’abord de l’État fût-il démocratique. Alors imaginez ce qu’il pensera dans un contexte de démocrature comme celui du Togo où ce monstre froid n’est pas une image mais une réalité.
Chers Cousines et Cousins,
Ces derniers temps il y a beaucoup de scandales qui exigent que nous sortions de notre silence. En attendant, et COVID 19 oblige, j’invite les Cousins Moustapha, Djibril et Robert à repenser la formule institutionnelle des 500 000 francs CFA qu’ils veulent nous prendre. Il y a beaucoup de pays qui ouvrent leurs frontières. Apprenez d’eux. Nous pouvons comprendre dans la cacophonie actuelle que vous pouvez retenir quelqu’un durant 48 heures le temps d’avoir les résultats du test mais épargnez nous de votre quarantaine blague tuée de cinq cent mille francs sans aucun détail sur l’usage.
Chers Cousines et Cousins,
En toute humilité et convaincu de faire le meilleur choix, je voudrais réitérer qu’apprendre à réparer le système est conseillé et plus productif que de chercher à en fixer des symptômes. En faisant ainsi on est un réformateur dans les faits tout en restant en réalité un conservateur. « Les vrais conservateurs ne sont pas ceux qui votent complaisamment, passivement tout ce qu’on leur commande de voter. Ce sont ceux qui, comme moi, ne craignent pas de dire la vérité, au risque de déplaire et de se faire d’implacables ennemis ». Émile de Girardin ; Les pensées et maximes (1867).

Votre Cousin,
Papa Khadidja

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