Avec l’avènement des réseaux sociaux, parler des faits politiques semble ne plus être l’apanage des acteurs politiques. Toutefois, entre parler des faits politiques et s’engager en politique, il y’a une petite différence. Dans le but de comprendre cette différence, la rédaction de informateur228.com a accordé une interview au Dr Richard Tindjo, cadre du parti Démocrates Socialistes Africains.

Bonne lecture.

I228 – Dr Richard Tindjo, vous êtes Vice-Président du Parti les Démocrates Socialistes Africains (DSA), Parti dont le Président est l’honorable Targone Sambiri N’wakin John. Qu’est ce l’engagement politique ?

Dr Tindjo – L’engagement politique est le fait de participer volontairement à une action collective dans le but de contribuer à la conquête du pouvoir ou de l’influencer. Il peut être également compris comme une participation active à la vie politique du pays, à l’action d’un parti politique ou d’un mouvement social ou politique.

Dans l’engagement politique, il important de distinguer les adhérents des militants. Le plus souvent les adhérents sont des citoyens affiliés à un parti politique, disposant d’une carte et qui paient les cotisations pour soutenir l’action politique. Mais les militants sont des adhérents actifs qui acceptent volontairement participer aux réunions et débats pour mettre en place une stratégie électorale, faire connaître l’idéologie ou la position du parti sur un sujet national par l’organisation de meeting, la distribution des tracts, flyers, le collage d’affiches dans la rue, les marchés, sur les réseaux sociaux ….

Plusieurs facteurs sociaux ou individuels peuvent expliquer l’engagement politique. Il s’agit entre autres de la socialisation ou l’éducation politique (processus par lequel, les citoyens se forgent une opinion politique et adoptent des comportements politiques), l’âge, le sexe, l’appartenance sociale, les enjeux du vote.

Tout citoyen a à sa disposition des moyens d’actions institutionnels sur lesquelles, il peut s’appuyer individuellement ou collectivement pour exprimer son opinion politique. Par exemple le vote est un des moyens d’actions institutionnels qui permet d’exprimer la volonté populaire des citoyens en élisant les représentants politiques (dirigeants). En votant, le citoyen exprime son soutien ou son rejet à des idées ou décisions politiques. Cette forme d’engagement politique est dite conventionnelle, d’autant puisqu’elle est reconnue dans la loi fondamentale des pays ayant optés pour le régime démocratique.

Il faut noter que la forme non conventionnelle de l’engagement politique quant à elle, est relative à toutes les formes de participations protestataires ou révolutionnaires en marge du système de la démocratie représentative. Cette forme de participation protestataire peut être légale, illégale voire violente. Le but de cette forme d’engagement politique est la reprise par les citoyens de leur voix qu’ils ont délégués à leurs représentants (dirigeants). La désobéissance civile, le boycott des produits… sont autant de moyens utilisés par les citoyens pour manifester leurs frustrations, dénoncer la mauvaise gouvernance. C’est le cas des mouvements du « printemps arabe », des mouvements dans la plu part des pays de l’Afrique de l’ouest et bien d’autres contrées dans le monde.

Parlez nous un peu de l’engagement politique au Togo?

Parmi les facteurs sociaux ou individuels expliquant l’engagement politique, nous avons rappelé la variable âge. Cette variable comme facteur expliquant l’engagement politique est même consacrée par notre loi fondamentale c’est-à-dire la Constitution togolaise.

La Constitution togolaise en son article 5, reconnait aux citoyens dont les jeunes âgées de 18 ans le droit de prendre part à la gestion des affaires de l’Etat. C’est pourquoi il est interdit de manipuler les enfants moins de 18 ans à s’engager en politique. Par exemple l’enroulement des mineurs pour l’établissement des cartes d’électeurs dans le but de voter n’est pas encore autorisé à notre connaissance, même si certains esprits indélicats le font en faveur de leur candidat.

Pour le développement d’un pays, l’engagement politique basé sur des valeurs démocratiques participent à l’épanouissement de l’ensemble de la population.

Mais au Togo, nous avons l’impression que l’engagement politique est délégué à une catégorie de personnes notamment les personnes âgées, les retraités, les chômeurs, les victimes d’injustices. Les jeunes de plus en plus ne sont plus préoccupées par la politique et pourtant la politique est l’organisation ou l’autogestion d’un Etat par les citoyens.

Aujourd’hui, ce qui préoccupe notre jeunesse, ce sont les divertissements sur les réseaux sociaux, la dépravation des mœurs laissant leur triste sort aux politiques qui les manipulent et leur vendent de l’illusion comme le « Mythe de la caverne de Platon ». On a l’impression comme si nous avons des hommes et des femmes enchaînés dans une caverne qui tournent le dos à la lumière de l’entrée et prisonniers de leur ignorance lorsqu’il s’agit de l’engagement politique.

Si aujourd’hui les Nations Unies et l’Union Africaine s’accordent à reconnaitre que, une véritable démocratie requiert la participation effective de tous les citoyens aux actions politiques, il n’y a pas de raisons qu’au Togo, les hommes et les femmes continuent de penser que la politique doit être réservée à une catégorie de citoyens. C’est pour quoi, il est question d’encourager surtout la jeunesse et les femmes à prendre conscience, à participer et à influencer toutes les décisions qui affectent la vie de la population.

Certains observateurs de la scène politique Africaine et togolaise estiment qu’en Afrique les citoyens ne s’engagent pas politiquement. Partagez vous ce constat ? Quelles en sont les causes ?

Nous partageons ce constat d’autant puisque, au Togo, souvent les appels à la mobilisation pour influencer certaines décisions du gouvernement sont vains. Pour le cas du Togo, vous allez entendre parfois certains se plaindre lors des émissions interactives sur les radios voire les échanges sur les réseaux sociaux que les partis politiques de l’opposition démocratique ne font rien pour sauver la population, comme si les décisions qui sont prises affectaient seulement les militants des partis politiques de l’opposition.

Il faut noter qu’il y a plusieurs causes qui expliquent le fait que les citoyens ne s’engagent pas politiquement. Nous pouvons entre autres retenir :

  • La peur de la brutalité et de la violation des Droits de l’Homme (arrestations, destruction des biens, violences sur toutes ses formes, enlèvement et tueries, viols, la chasse à l’homme…) ;
  • La peur d’être la cible du parti au pouvoir (ceux qui militent au coté des partis politiques de l’opposition démocratique)  surtout pour les demandeurs d’emplois, chômeurs, les opérateurs économiques et ceux qui recherchent des promotions dans les organisations, établissements publics et para publics;
  • Le sentiment de ne pas être entendus surtout les jeunes et les femmes qui pensent que leur avis ne compte pas dans les états major des partis politiques ;
  • Le cynisme et la crise de confiance entre les acteurs politiques ;
  • La méconnaissance des partis politiques et leur l’idéologie/Vision politique;
  • La confusion des stratégiques politiques à la veille des élections ;
  • Le sentiment que « voter ne sert pas à grand-chose » ;
  • La méconnaissance des systèmes politique, électoral et une incompréhension des enjeux débattus au cours des campagnes électorales ;
  •  La méconnaissance des différences de postures des candidats et partis autour de ses enjeux ;
  • La mauvaise volonté et la ruse du parti au pouvoir à faire les réformes institutionnelles et constitutionnelles pour favoriser l’alternance au pouvoir ;
  • La manipulation de l’information par certains médias.

Pouvez nous faire une petite comparaison de l’engagement politique des années 1990 et 2005 à nos jour au Togo ?

L’engagement politique des années 1990 est un héritage de la lutte que nos grands parents menaient depuis la colonisation et dans les années 1958 pour l’indépendance du Togo. Le sentiment d’ «Ablodé Gbadja » (indépendance totale) était encore dans les esprits de nos ainés pour se libérer du colonialisme et du néo colonialisme. Ce sentiment nationaliste a connu son apogée après l’incompréhension entre acteurs politiques de l’opposition après les élections de 1994 où le CAR et l’UTD avaient obtenus la majorité à l’assemblée mais n’ont pas pu s’entendre pour renverser le parti au pouvoir.

En 2005, après le décès du Feu Président Gnassingbé Eyadema et le coup de force anti constitutionnel avec le toilettage de la constitution pour permettre à son fils de venir au pouvoir, les partis d’oppositions et la société civile ont pu surmonter leur clivage politique pour lancer la mobilisation populaire en vue du respect de la constitution de 1992. Cette mobilisation populaire fruit de l’engagement politique a conduit à la signature de l’Accord Politique Global (APG) entre acteurs politiques togolais et la société civile sous la houlette de l’ancien Président burkinabé, Blaise Compaoré, le 20 août 2006.

Cette union des forces démocratiques a redonné un goût à l’engagement politique aux togolais, mais contre toute attente qu’il s’agisse de la limitation du mandat, du mode de scrutin, de la question du contentieux autour du code électoral, les formations politiques se renvoient chacune la responsabilité du statu quo. En dix ans, «nous sommes devenus une curiosité alors que tous les pays qui nous entourent avancent», déplore Me Dodji Apévon, président à l’époque du Comité d’Action pour le Renouveau (CAR) aujourd’hui président du parti Forces Démocratiques pour la République (FDR).

Cette situation va plu tard émousser l’engagement politique des togolais puisque les attentes ne sont pas comblées. Depuis lors le pays est resté dans une instabilité totale avec les crises socio politiques à répétition.

Il a fallu que le Parti National Panafricain (PNP) de Me Tikpi Salifou Atchadam lance le 19 août 2017, une nouvelle mobilisation populaire qui sera appuyée plu tard par les autres forces démocratiques notamment CAP2015, le groupe des Six et la société civile formant ainsi une coalition dénommée C14 pour protester contre la mauvaise foi du parti au pouvoir à mettre en œuvre tous les engagements de l’APG. Les populations vont de nouveau s’engager dans les actions politiques.

Cependant, le boycott des élections législatives de 2018 a entrainé plu tard la dislocation de la C14, les divisions intra-opposition exacerbées par la présidentielle de février 2020 et les guerres de courant politique qui minent plusieurs principales force de l’opposition togolaise ont fait baissé l’engagement politique des togolais. De plus, le fait que le parti au pouvoir qui a un peu plus corseté l’encadrement administratif de manifestations publiques au Togo depuis la survenue de la maladie du coronavirus en mars 2020 et l’avènement du terrorisme dans la zone de la région savanes ont aussi contribués à fragiliser l’engagement politique des togolais.

En tant qu’acteur politique, quelles sont vos recettes pour faire de l’engagement politique au sein de la nation notamment chez les jeunes une réalité ?

Pour renforcer l’engagement politique de la jeunesse, il semble donc primordial que celle-ci prenne conscience et se sente entendue. Il s’agit alors de repenser les modalités du dialogue citoyen entre les jeunes générations, les élus et les chefs des partis politiques : la jeunesse d’aujourd’hui ne ressemble plus à celle d’hier, ses attentes, ses réalités, son environnement, ont changé.

Afin de réinventer la démocratie, de se la réapproprier, les jeunes ont besoin de nouveaux espaces, d’outils qui leur correspondent. Pour la génération que l’on qualifie de “digital natives”, qui recourt quotidiennement aux réseaux sociaux et au web, le numérique constitue une solution particulièrement adaptée.

Il faut également intégrer dans le programme scolaire, des modules d’enseignement à dispenser permettant de comprendre le fonctionnement de la vie démocratique, de développer les connaissances et les compétences nécessaires pour faire des choix politiques éclairés, ainsi que de saisir les liens entre la politique, la vie quotidienne et la vie future.

Votre mot de la fin:

La population togolaise en générale et en particulier les jeunes et les femmes ont obligation de s’engager en politique car leur avenir en dépend. «Si certains refusent de faire la politique, la politique se fera sans eux, les décisions seront toujours prises sans leurs avis ». L’une des armes pris comme moyen d’action politique pour le moment conventionnelle dont la population dispose dans un pays qui a opté pour le régime démocratique est le « vote ». Il faut que la population utilise le « vote » pour sanctionner les régimes au pouvoir qui ne travaillent que pour promouvoir la minorité et sa descendance et non pour la majorité qui croupie dans la misère.

« Une jeunesse mobilisée est dangereuse, une jeunesse mobilisée est une puissance qui effraye même les bombes atomiques. » – Thomas Sankara

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