Après sa dernière sortie, Papa khadidja revient avec un nouveau message aux cousins publié ce vendredi 10 juillet, qui aborde le sujet crucial du lien entre la religion et la politique. Il déclare: << vous ne pouvez pas tout le temps jouer aux aveugles victimes du Syndrome du Sourd Muet (SSM) au nom d’une hypocrisie laïco-apolitique>>.
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MESSAGE AUX COUSINS DU 10 JUILLET 2020
Chers Cousines et Cousins,
Je reviens dans un bref délai. Rassurez-vous ce n’est pas faute de patience mais c’est juste parce que la patience ne n’est pas synonyme d’abdication ou de résignation.
La patience est une Vertu qui fait supporter le malheur, les offenses. Cela suppose le sang-froid, calme avec lequel on attend ce qui tarde à venir. Cela suppose une constance et la prise de dispositions pour ne pas venir à bout.
Par contre, la résignation est la soumission à son sort ou le fait de renoncer à un droit. J’espère que la précision a été utile et permet de clarifier la promotion de la patience que je fais depuis peu. La patience et la certitude sont la clef du leadership prôné et vulgarisé par notre Cousin le Coach Akondo Bileri. La vie est naturellement jalonnée d’épreuves et je me demande si notre vie peut être riche si elle n’est pas agrémentée de ces épreuves qui emmènent à tester notre patience ? Celui qui ne s’y prépare et ne s’arme pas de patience se laissera assombrir l’existence et aura toutes les chances de perdre des opportunités utiles pour atteindre ses objectifs. Il convient que notre génération médite assez régulièrement sur la vie de plusieurs personnes modèles qui ont eu à pratiquer la patience tout au long de leur vie et dans les combats. Beaucoup ont enduré de dures épreuves et nous pouvons prendre exemple sur eux. Ce n’est pas une raison pour adhérer le Groupe Populaire des adeptes du Syndrome du Sourd Muet (SSM).
Chers Cousines et Cousins,
A chaque fois que je me décide à vous adresser un message ce n’est aucunement pour exposer certains d’entre vous mais pour vous interpeller. Et pour rassurer les uns et les autres je n’ai aucune inimitié à l’endroit de quelque compatriote que ce soit. J’admets que je ne déteste aucun togolais en tant que personne mais je déteste les décisions que certains togolais prennent ou approuvent. Et à ce titre, je ne cesserai de revenir sur un sujet autant de fois que possible et sous plusieurs formats.
A chaque fois que je drafte mon Message aux Cousins je garde toujours en tête que les informations en ma possession ne me conduisent pas à égarer autrui ou à être égaré par autrui.
Mon objectif est et reste d’éviter de commettre une injustice ou de subir moi-même une injustice.
C’est dans cette logique que je compte adresser un message ce jour à mes cousins cadres musulmans et plus principalement les premiers responsables de l’Union Musulmane du Togo. Qu’Allah me guide dans les prochaines lignes comme il l’a toujours fait.
Chers Cousines et Cousins,
Lors d’une discussion il y a quelques jours de cela, je relevais qu’il y a un problème autour du creuset qu’est censé être l’Union Musulmane du Togo (UMT). Tout en optant pour une présomption simple de la bonne foi des animateurs de ce creuset il y a matière à spéculation à propos de son inclusivité. Difficile en tout cas pour une frange majoritaire de ma génération de s’y retrouver car en déphasage avec nos attentes.
Par ailleurs les magouilles entourant la désignation des premiers administrateurs et la mise sous éteignoir de ceux-là par le pouvoir politique en place inquiète. Imaginez une structure comme l’UMT faire une transition de plus d’une décennie et rétorquer qu’elle attend l’aval du Président de la République qui n’en est pas un membre statutaire avant d’organiser son congrès ? Affirmer que ce creuset n’est pas concerné par les questions de politiques publiques ou d’intérêt général mais exiger que ses administrateurs aient une expérience à des postes de responsabilité politique n’est-ce pas comme un politicien faire une chose et son contraire ? Peut-on être optimiste sur la représentativité de l’UMT quand on parle de cooptation de ses premiers responsables ? Peut-on dire que l’UMT représente ses membres ou les musulmans du Togo si nous nous fondons sur ses textes fondateurs ? Les musulmans du Togo ou au Togo ont besoin d’un creuset exclusivement dédié à la promotion de valeurs cultuelles et culturelles ? Au nom de la théorie de la laïcité opportuniste les musulmans togolais devraient-ils se résigner et espérer seulement le bonheur dans l’au-delà ? Pourquoi alors l’UMT ne prends pas exemple sur la Conférence des Évêques du Togo (CET) et veut chaque fois jouer aux apolitiques alors que l’appartenance présumée de ses premiers responsables au pouvoir en place est un secret de polichinelles ?
Chers Cousines et Cousins,
Si je voulais être dans l’analyse comparée je dirais que notre Prophète Mohamed SAW a été toute sa vie durant un calife car ayant détenu à la fois les pouvoirs politique, religieux et militaire au sein de sa communauté. Face à la situation des siens il n’a pas abdiqué pour les inviter à attendre seulement le bonheur céleste.
Je suis quand même surpris par la conception restrictive et carencée que beaucoup ont de l’apolitisme. Les conduites de la vie quotidienne sont soumises aux déterminismes sociaux ordinaires. Elles divergent selon certaines lignes de partage. Elles obligent à faire des choix et à prendre position dans des différends qui structurent l’espace social le plus proche. Ces conduites sont, en outre, à des degrés variables, prises dans les divisions qui se construisent dans l’espace de la politique. Et à ce titre sans s’engager dans le jeu actif politique on peut opiner et influencer l’opinion afin que les bonnes valeurs soient promues. Ce surtout en matière de gouvernance et de libertés publiques. Difficile de comprendre cette argumentation non cousue des responsables de l’UMT qui au nom de laïcité et de l’apolitisme cherchent à communiquer leur engagement à échapper à un double système d’incitations à s’engager, au sein des relations sociales et au sein du champ politique alors qu’en réalité ils sont à fond dans le jeu politique et œuvrent en faveur du statu quo.
La forme associative et les buts en dehors de la conquête et de l’exercice du pouvoir politique ne sont aucunement une raison pour exclure les débats sur des questions politiques ou d’intérêt général. Personne n’invite à la politisation des activités. Même si nous savons tous que le choix des responsables de l’UMT est politisé et les cadres ne s’en accommodent que parce que l’autorité en a fait le principal interlocuteur.
Chers Cousines et Cousins,
L’apolitisme tel que servi par l’UMT est une bonne blague stratégique pour servir les intérêts d’un pouvoir qui veut étouffer tout éveil de la conscience commune. En réalité, l’apolitisme est une attitude ou une posture apolitique qui peut prendre diverses formes : le refus, pour diverses raisons, de tout engagement politique présenté par certaines organisations (ONG ou organisations internationales) comme une preuve de leur indépendance ; le désintérêt par rapport à la vie politique ; l’absence d’opinion partisane. Cette attitude peut, par exemple résulter d’un phénomène de saturation médiatique par les débats électoraux ou la difficulté à appréhender la complexité de la société actuelle.
Tout comme la CET, notre chère UMT peut demeurer en retrait de la vie politique mais elle doit œuvrer comme toute entité sérieuse pour le bienêtre de ses membres et ce faisant peut contribuer ainsi à réduire les souffrances de l’âme ici-bas. Légions de critiques sont faites à l’apolitisme hypocrite tel que servi par l’UMT : toutes les actions ayant un impact sur la vie de la société sont par nature politiques ; c’est une manière d’agir politiquement en forçant les autres à abandonner la politique au profit de sa chapelle politique ; c’est un moyen de faire avancer certaines idées politiques de manière dissimulée.
Chers Cousines et Cousins,
Selon Alfred Sauvy, « L’apolitisme conduit, naturellement, à une sympathie vis-à-vis de la politique conservatrice. Le jour de l’élection, si l’apolitique ne s’abstient pas, il vote de préférence pour le candidat qui fait le moins peur, par conséquent pour le défenseur du régime tel qu’il est ».
Pour reprendre Étienne SCHWEISGUTH, Directeur de recherche au CNRS, je dirai que l’apolitisme est souvent une limitation qu’un acteur social s’impose à lui-même pour éviter que les tendances à la division et au conflit, inhérentes à la politique, ne viennent perturber ses activités. De nombreuses associations s’interdisent ainsi toute prise de position politique alors qu’elles sont toutes sur l’influence de décisions politiques. En réalité elle se plaisent dans cette situation que lorsqu’elles épousent la politique en place. De même, un bon commerçant sait qu’il ne doit pas prendre publiquement parti en politique, un bon Président intérimaire sait que la seule façon de rester en poste lorsque ses chances d’être élu sont inexistantes est de faire le jeu de ceux qui peuvent le soutenir dans son projet de jouissance du pouvoir sine die. Ce n’est après tout qu’une façon déguisée d’exprimer des sympathies politiques au moyen d’un apolitisme hypocrite.
Dans les faits, la frontière n’est pas toujours claire entre la volonté réelle d’éviter les interférences avec la politique. Et la conséquence de ce statu quo c’est d’avoir une communauté religieuse qui dans la pratique est divisée et sous l’influence de différents courants.
Si sur le principe, l’apolitisme est un refus de tout engagement politique à partir de motivations ou de justifications diverses, au Togo et dans le cadre de l’UMT il est plutôt une prise en otage de la communauté musulmane par des pontes de confession musulmane du défunt RPT d’alors qui portent le manteau UNIR d’aujourd’hui. Des gens qui font tout pour dynamiter les efforts et stratégies de plusieurs membres de la communauté musulmane pour donner à ce creuset un caractère inclusif. L’apolitisme hypocrite de l’UMT constitue plus une affirmation de dépendance du régime au pouvoir.
Prêcher l’implication politique de la communauté musulmane fait désormais tiquer qui se croient plus démocrates que les autres.
De plus en plus avec l’activisme d’un certain Dicko au Mali je vois beaucoup de gens crier à la menace de l’islamisation. Chacun chante la laïcité. La laïcité a fait l’objet de longs développements en science politique, mais aussi dans la littérature philosophique, juridique et sociologique. Son contenu et sa portée ont été largement débattus.
Ce débat va se poursuivre dans le contexte africain avec de plus en plus la tendance à doigter les religions dites monothéiste et importées d’être à la base du fatalisme de l’africain. Cela en raison des énormes écarts qui séparent riches et pauvres, aussi bien d’un pays à l’autre qu’au sein de chaque société. L’abandon par les politiques néolibérales, ou la confiscation des deniers publics par une minorité pilleuse, d’importantes masses dépossédées qui ne bénéficient en rien du marché, étant privées d’une capacité de consommation significative, favorise un essor religieux considérable à l’échelle mondiale ainsi qu’une demande corrélative d’utopies. Les religions deviennent une option alternative. Ainsi s’expliquent tout autant la persistance de fondamentalismes religieux. Et ce n’est pas en criant au loup que les gens cesseront d’avoir foi ou de revendiquer la reconnaissance de leurs droits. A force d’étouffer institutionnellement la communauté musulmane, elle finira par remplacer un Cousin Inoussa Bouraima par un Cousin Alfa Mollah ou un Imam de mon Zongo Karamon.
Chers Cousines et Cousins,
Selon RIVERO « les problèmes posés par les libertés publiques ne sont nullement abstraits ; c’est chaque jour qu’ils affleurent à la surface de l’actualité, quelquefois au premier plan. Il faut donc pour donner à la matière son caractère véritable et sa dimension, s’attacher à saisir à travers la presse et dans la vie quotidienne, les faits qui s’y rattachent et qu’elle peut éclairer. Le contact entre l’étude théorique et la réalité quotidienne est en matière de libertés publiques, particulièrement nécessaire et fécond ». Et face à cela vous ne pouvez pas tout le temps jouer aux aveugles victimes du Syndrome du Sourd Muet (SSM) au nom d’une hypocrisie laïco-apolitique.
En ce qui concerne notre situation de croyant dans la République Constitutionnelle des Kodzo de Pya et de Tokpli, il faut reconnaître que nous sommes désormais à une intersection entre le religieux et le politique. A force de jouer aux sourds, le pouvoir originaire du 13 Janvier 1967 a fini par conduire le peuple à miser tout changement sur un miracle religieux. Heureusement que notre génération n’en est pas encore arrivée là et celle qui nous suit est plus préoccupée par les défis sexuels inter établissements.
Dans notre inconscient collectif, nous portons la trace des crises et des brisures qui ont marqué notre histoire. Et tout en saluant le pragmatisme de la CET je crains de voir l’égarement de l’UMT finir par créer une segmentation de la communauté musulmane du fait de l’hypocrisie active de ses premiers responsables.
Il est temps pour nous de faire face à nos responsabilités dans la société qui est la nôtre, riche de possibilités, mais pétrie d’incertitudes à cause des ainés dont nous sommes de moins en moins fiers. Ne soyons pas surpris de voir un Cousin renier Mango pour se revendiquer de Yoto avant de déclarer être le Dalaï-Lama. Bref je m’arrête ici car je dois aller suivre mon cours de philosophie.
Votre Cousin,
Papa Khadidja